Les États-Unis sont favorables à la levée des droits sur les vaccins
Le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été l’un des premiers à saluer le revirement des États-Unis. Une décision historique, d’après lui, alors qu’on est encore loin de pouvoir évaluer sa portée concrète.
En tout cas, Joe Biden, une fois encore, est fidèle à ses promesses de campagne. Il brave les réserves du monsieur vaccin américain – le très respecté docteur Fauci estime que ce ne sera pas efficace –, et bien sûr l’opposition de toute l’industrie pharmaceutique américaine, le berceau des deux vaccins à ARN messager.
Selon le patron de Pfizer, cette dérogation envoie un signal négatif ; elle va dissuader les laboratoires de s’engager dans la recherche lors de la prochaine pandémie. La catastrophe en cours en Inde a-t-elle servi de détonateur ? Pour les élus du Congrès qui pressaient Joe Biden d’infléchir sa position, ce n’est pas qu’une question morale mais bien un sujet économique. Car tout retard ou défaut dans la campagne mondiale de vaccination pourrait compromettre le rebond de l’économie américaine.
La perspective d’une dérogation facilitée par ce soutien américain est une mauvaise nouvelle pour les labos précurseurs.
L’action de Moderna, qui a mis au point l’un des deux vaccins à ARN messager, a perdu 6% après cette annonce. BioNTech et Novavax ont également reculé à la Bourse.
Les vaccins anti-Covid-19 avaient dopé leurs cours en 2020 et commencent à engranger de fabuleux profits. Pfizer, le numéro un de la production, associé à l’Allemand BioNTech, a déjà empoché plus de 3 milliards de dollars de bénéfice au premier trimestre grâce au vaccin. C’est beaucoup plus que ce que rapportent les autres molécules phares de la maison. Il devrait réaliser cette année une marge de 30% sur ses ventes de vaccin anti-Covid-19. D’après l’étude de l’institut Iqvia, vacciner 70% de la population mondiale coûtera 157 milliards de dollars d’ici à 2025. Un pactole qui revient pour le moment aux seuls détenteurs des droits, surtout les Américains, puisque Johnson and Johnson et AstraZeneca vendent pour le moment à prix coûtants.
La levée des droits sur les vaccins est-elle la bonne solution pour augmenter rapidement la production ?
Elle peut faire baisser les prix, mais pour faire grimper la production, il faut surtout que la logistique industrielle suive. Que des usines soient prêtes à produire.
A priori, c’est le cas, plusieurs grandes unités de production disent être suffisamment outillées pour produire à grande échelle. Au Bangladesh, par exemple, ou encore en Occident où plusieurs labos ont proposé leurs services, sans succès pour le moment.
Et il faut surtout que la formation et la fourniture des ingrédients suivent. Ce qui est loin d’être gagné. Sécuriser son approvisionnement dans certaines matières premières est déjà un défi aujourd’hui. Pfizer l’avait anticipé en 2020, bien avant d’avoir obtenu le feu vert pour son vaccin. Former les industriels pour éviter les erreurs de dosage nécessite aussi des moyens humains déjà mobilisés pour accélérer la cadence chez les premiers producteurs. C’est bien un problème industriel qui se pose plus qu’un problème juridique.
La question juridique, elle, n’est pas encore réglée avec le soutien américain.
L’unanimité est requise pour changer les règles au sein de l’OMC. Pour le moment, une soixantaine de pays sur 164 soutiennent activement cette dérogation, tandis que l’Union européenne, la Suisse, le Japon ou le Brésil, font partie des opposants déclarés. Plusieurs mois de discussions seront nécessaires avant de parvenir à un accord. Si les entreprises bénéficiant des droits veulent à tout prix éviter leur levée, elles doivent très vite démontrer qu’elles sont prêtes à passer des partenariats opérationnels dans les prochains mois pour accélérer la production.
Source: RFI