Cancer du col de l’utérus : Le dépistage reste le meilleur moyen de prévention
Dans un entretien accordé au journal Info-Elles, Dr Luterse Dupont médecin référent du projet Oncologie de médecins sans frontières (MSF) au Mali nous édifie sur les symptômes, les manifestations, la prise en charge. Selon lui, le dépistage demeure le meilleur moyen de prévention du cancer de col de l’utérus.
Info-Elles : Expliquez- nous le col de l’utérus.
Dr Luterse Dupont : Le col de l’utérus est une partie de l’utérus qui est attachée au vagin et dans ce col il y a un orifice qui donne accès au contenu de l’utérus. L’utérus c’est l’organe, qui se trouve dans le bas vendre, qui abrite l’enfant lorsque la femme est enceinte. Maintenant entre le vagin et l’utérus il y a le col. Donc quand on parle du cancer de l’utérus, c’est le cancer, qui est dans cette partie de l’utérus.
Info-Elles : Qu’est-ce qu’un cancer du col de l’utérus ?
Dr Luterse Dupont : Le cancer est une multiplication de cellules anormales dans une certaine partie du corps. Ça veut dire que toutes les cellules de l’organisme ont un organe régulateur, qui leurs permet de se multiplier à un endroit spécifique de l’organisme. Lorsque cette cellule ou ce groupe de cellules perd cet organe de régulation, les cellules commencent à se multiplier et à devenir une masse. Cette masse va donner des problèmes physiques comme dans les cas où il y a les cancers au niveau des bronches, cela va obstruer la respiration. Cette multiplication des cellules anormales peut laisser l’organe de régulation et aller vers d’autres organes. C’est ce qu’on appelle la métastase.
Info-Elles : Quelles sont les manifestations du cancer du col de l’utérus ?
Dr Luterse Dupont : Concernant les manifestations de cette maladie au niveau du col de l’utérus, on aura une femme, qui précédemment menait une vie sexuelle sans symptôme, commence à avoir des douleurs dans le bas vendre. Ce ne sont pas des douleurs atroces, ce sont des douleurs souples, qu’elles commencent à sentir comme une pesanteur au niveau du bas ventre. Après elle peut avoir des secrétions sanguinolentes et mêmes des secrétions nauséabondes à répétition. Elle va voir un médecin et prendre des médicaments, qui ne vont rien servir parce que dans ce cas précis, ce n’est plus une infection mais c’est un cancer qui est en évolution. Pour résumer, on parler de la douleur lourde, des pertes sanguinolentes et des pertes nauséabondes. D’une manière générale, quand le cancer est très avancé on peut avoir un amaigrissement progressif, la fatigue, des sueurs profuses, qui vont montrer que la personne est très malade.
Info-Elles : Quels sont les symptômes de cette maladie ?
Dr Luterse Dupont : Les principaux symptômes dominants sont la lourdeur au niveau du bas vendre, les pertes des sangs, les pertes nauséabondes et des douleurs pendant les rapports sexuels. Ce sont les principaux symptômes liés au col. Du point de vue général sur l’organisme, on peut avoir quelqu’un qui commence à maigrir, à avoir des sueurs profuses. Elle commence à ne plus vouloir manger. Quand ce cancer est très avancé, elle commence à avoir d’autres symptômes. Elle ne pourra pas uriner. Dès fois, elle aura des difficultés à aller à la selle. Mais au tout début, c’est la douleur, qui va être le symptôme dominant et les pertes vaginales. Il y a des formes de cancer, qui évoluent sans symptômes et lorsque les symptômes arrivent, c’est déjà un stade avancé.
Info-Elles : Quelles sont les conditions de la prise en charge de cette maladie ?
Dr Luterse Dupont : Les conditions de traitement de cette maladie reposent sur trois piliers : la chirurgie ; la radiothérapie et la chimiothérapie. Ici au Mali, tous les piliers de ce traitement existent en combinant plusieurs sites et hôpitaux. Généralement pour la chirurgie, tout va dépendre du stade de la maladie et des capacités physiques de la personne qui est malade.
Pour la chimiothérapie, on va combiner deux types de médicaments. Le cisplatine et au taxol. Très souvent, ce qui est vraiment recommandé actuellement c’est la combinaison de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Quand on fait cette combinaison on l’associe avec la chirurgie. Dans un certain pourcentage de cas, on arrive à traiter totalement cette patiente.
En termes de radiothérapie, il existe deux types : la radiothérapie externe où on utilise un certain rayonnement pour essayer de détruire les cellules cancéreuses ; la radiothérapie interne où on place les cathéters dans le vagin et cette source de rayons va être placée dans les cathéters pour essayer de détruire les cellules du col et les cellules qui environnent le col. Une de mieux de préparer la chirurgie et certains cas ça détruit complètement le col et les cellules cancéreuses.
Info-Elles : Quelles sont les structures de prise en charge de cette maladie ?
Dr Luterse Dupont : Au Mali, normalement, nous respectons la pyramide sanitaire. Quelqu’un qui sent qu’il a un problème, ce qui est recommandé c’est d’aller se faire examiner dans un CSCOM. Au CSCOM, ils vont faire ce qu’on appelle le test IVA-IVEL. Dans d’autre pays, ils ne font pas le test IVA-IVEL, ils font ce qu’on appelle la pass mi-pass test ou bien le test de Papanicolao qui va nous dire qu’il y a un problème dans le col. Après le CSREF va confirmer ou infirmer le diagnostic du CSCOM. Si les suspicions de diagnostic du cancer sont fondées, cette patiente sera référée dans l’un des CHU de Bamako (hôpital du Mali ; Gabriel Touré et du point G). Nous avons MCF (médecins sans frontières) comme organisation de rapport avec ces trois hôpitaux.
A Bamako, les dépistages se font dans les CSCOM et les CSREF et les prises en charge dans les CHU. Au niveau CHU du point-G, on trouve les oncologues, les chirurgiens et l’unique laboratoire dans l’ana pathologie qu’il y a pour tout le pays parce que le vrai diagnostic du cancer se fait avec l’ana pathologie. Au CHU Gabriel Touré, il y a uniquement les chirurgiens et quelques imagiers. Pour la radiothérapie se fait uniquement à Hôpital du Mali et il y a un seul appareil pour tout le Mali.
Info-Elles : Quels sont les mécanismes de préventions de la maladie ?
Dr Luterse Dupont : Le premier mécanisme de dépistage est le dépistage. A partir du moment qu’on a eu le rapport sexuel dans sa vie, il est recommandé de se faire dépister. Il faut faire un dépistage par an. Si les deux premiers dépistages sont négatifs, on peut revenir pour faire un troisième dépistage après trois ans. Et on peut commencer à le faire à l’âge de 14 ans. On va l’élargir pour dire que dès qu’on a eu le premier rapport sexuel.
En dehors du dépistage, il y a un vaccin, qui est connu un peu partout dans le monde mais qui n’est pas très en vogue au Mali. C’est le vaccin contre le HPV (virus du papillon humains). C’est un virus qui est pratiquement à 90% lié au cancer du col de l’utérus. Ce qui est recommandé c’est de donner ce vaccin entre 11 et 14 ans. Même quand la personne a eu ses 14 ans, elle peut se faire vacciner mais cela va être en trois doses. Quelqu’un, qui utilise le condom pendant les rapports sexuels, peut prévenir la parution du papillome virus, le virus du VIH et d’autres germes pouvant donner des infections sexuellement transmissibles chez la femme.
Info-Elles : Avez-vous des conseils à prodiguer aux femmes ?
Dr Luterse DUPONT : La première chose c’est d’aller se faire dépister systématiquement suivant un algorithme que l’OMS ou et le Mali a proposé, même sans symptôme parce que le cancer du col de l’utérus passe par une phase de lésion précancéreuse avant de devenir cancéreux. Quand c’est au stade de lésion précancéreuse on peut faire des interventions à minimum pour éliminer, éradiquer totalement le processus. Donc le dépistage systématique va permettre de prévenir 100% le cancer. Si on fait le dépistage et qu’on mette la main sur le cancer du col de l’utérus à un stade précoce, il est curable. On peut guérir du cancer du col de l’utérus s’il n’y a pas de métastase.
Propos recueillis par Ina Sangaré