Rodrigue Barry, Conseiller technique en Communication sur les Risques et Engagement Communautaire (CREC) au Hub de Dakar de l’OMS, à propos des rapports entre la CREC, l’Alliance de réponse à l’infodemie en Afrique (AIRA) et les médias : « Au lieu d’attendre l’urgence, préparons les gens à l’urgence »

Rodrigue Barry, Conseiller technique en Communication sur les Risques et Engagement Communautaire (CREC) au Hub de Dakar de l’OMS, à propos des rapports entre la CREC, l’Alliance de réponse à l’infodemie en Afrique (AIRA) et les médias : « Au lieu d’attendre l’urgence, préparons les gens à l’urgence »

A l’issue de la formation sous régionale sur « la gestion d’infodémie pour la préparation aux  épidémies de grippe et autres menaces de santé en Afrique de l’Ouest et du Centre », initiée à Douala, (Cameroun), du 14 au 15 novembre 2023, par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans le cadre de la mise en œuvre de son projet intitulé : « Engagement des médias pour un partenariat gagnant-gagnant dans la lutte contre les urgences de santé publique », Rodrigue Barry, Conseiller technique en Communication sur les Risques et Engagement Communautaire (CREC) au Hub de Dakar de l’OMS, a bien voulu nous accorder un entretien, ayant porté sur les rapports entre la CREC, l’Alliance de Réponse à l’Infodemie en Afrique (AIRA) et les médias. Parlant de l’urgence, il estime « Au lieu d’attendre l’urgence, préparons les gens à l’urgence ». Lisez intégralité de notre entretien !

 

Mediaelles : Quel genre de relation la CREC entretient avec l’AIRA ?

Rodrigue Barry : Nous avons initié cet atelier sous régional en partenariat avec l’équipe de l’Alliance de Réponse à l’Infodémie en Afrique (AIRA) parce que c’est une manière pour nous de ramener les concepts et de les utiliser ensemble. Nous avons mis en place cette initiative de partenariat avec les médias parce qu’on sait que les médias sont des grands influenceurs de public. Cette opportunité de travailler avec l’AIRA, c’est de faire en sorte que la CREC, qui a un domaine qui touche à tout ce qui est gestion des rumeurs et tout ce qui est lié à la psychologie, au comportement des populations, à la désinformation, trouve son pendant naturel avec le management et la gestion de l’infodemie.

Après la formation de certains journalistes, l’année dernière, en CREC à Saly au Sénégal, il était nécessaire de faire en sorte que ces journalistes puissent bénéficier d’autres concepts qui sont peut être en adéquation avec l’évolution du monde parce qu’on utilise beaucoup d’outils électroniques et on fait place à beaucoup d’autres types d’approche et ça peut compléter le background de ceux qui connaissent déjà la communication sur les risques et l’engagement communautaire. Je pense que ce travail ne va pas s’arrêter là.

Déjà, je vois des choses qui se préparent. L’AIRA demande une collaboration de la CREC pour aller former d’autres pays. Je pense que nous avons fait le bon choix de les avoir associés. Et on ne s’arrête pas à cela, parce que l’OMS a un concept qui s’appelle les connaissances comportementales. Ce serait bien que les journalistes qui travaillent dans le domaine de la santé et des urgences puissent connaitre tous ces concepts. Chacun saura comment il va utiliser au mieux ces éléments qui sont très importants.

Les connaissances comportementales, autant que l’infodemiologie, ce sont des choses qu’il faut avoir, elles facilitent encore le travail en termes d’interview.

Quand vous allez interviewer un expert des urgences, vous savez de quoi vous parlez. C’est  bon pour le partenariat et les journalistes. Tant que nous pourrons, nous allons essayer de renforcer ces éléments qui apportent encore plus de compétences. On n’a plus besoin de parler de spécialisation parce que plus vous allez être en adéquation avec les concepts, plus vous allez savoir de quoi il s’agit. C’est un partenariat qui est bien venu pour nous.

Mediaelles : Quel peut être l’apport de l’AIRA à la CREC dans la préparation et la gestion des urgences de santé publique ?

Rodrigue Barry : Comme toute la déclinaison des urgences, il y a trois temps : la préparation, la réponse et la réhabilitation. Je pense que ce qu’on a vu au cours de ces 4 jours-là, montre également qu’avec l’inoculation des éléments d’information en amont pour prevenir les gens des risques qui arrivent en matière de gestion des rumeurs, cela montre qu’ils sont également dans une phase de préparation et tout le management se trouve avec les outils. Après, il faut consolider. La CREC, c’est 5 domaines très précis. Eux, ils sont dans un grand domaine qui s’appelle la lutte contre tout ce qui est désinformation et  mésinformation. Cependant la CREC a également une grande partie comme je vous disais qui s’appelle la gestion de l’indignation, la gestion des rumeurs et des fausses informations.

Donc, je pense que ce sont des notions complémentaires, mais elles utilisent souvent des outils différents. C’est qui fait la beauté de ce partenariat et permet surtout de mutualiser les ressources. Ce qu’on voit ici à Douala, nous avons une cible, c’est-à-dire des journalistes qui s’intéressent aux questions de santé. On les a amenés à s’intéresser aux questions des  éléments de santé liés aux urgences de santé publique. Donc, c’est déjà une évolution. Ce grand public, important pour prendre en compte les perceptions des populations et les transformer, a été convié à un atelier sur la lutte contre l’infodemie. Vous voyez le parallèle.

C’est vraiment un appel pour que les différents domaines qui sont un peu connexes apprennent à mutualiser. Alors à quoi ça sert de faire seul un atelier sur la lutte contre l’infodemie ? Les gens vont comprendre, c’est vrai, mais il y a l’application ensuite. Alors qu’il y a des domaines qui ont commencé un peu plus tôt, la CREC.

Après l’épidémie de 2014 qui a fait naitre la CREC, l’infodemiologie, c’est 2020. Le mouvement ne va pas s’arrêter là, mais il faut que chacun trouve sa place sans exclure les autres. Il faut également des gens qui ont une vision pour faire en sorte qu’on voit ce qu’on peut prendre chez chacun et rendre cela plus utile à nos populations.

Mediaelles : A partir de ce rendez-vous de Douala, qu’est ce qui est attendu pour la suite ?

Rodrigue Barry : Pour nous, c’est une continuité. Après l’atelier de Saly en 2022, on a tracé une feuille de route. L’atelier de Douala est un des éléments de cette feuille de route. On verra les prochaines étapes. Déjà dans les coulisses, il y a des discussions. L’équipe de lutte contre l’infodemiologie est en train de préparer des ateliers dans certains pays où cette fois-ci, ce sont eux qui ont fait la démarche pour dire à la CREC, est-ce qu’en tant qu’expert vous pouvez venir pour qu’on parle le même langage ? Parce que c’est le même domaine global avec des nuances. On attend que des journalistes fassent des productions pour aider à faire comprendre c’est quoi les urgences ? Qu’est-ce qu’on attend des populations pendant les urgences ? Quelles sont les situations et les scenarios qu’elles peuvent vivre pour se préparer ?

Parce que ce sont les trois étapes, avant d’aller à la réhabilitation, il faut se préparer, et quand on a une bonne préparation, tout le reste se passe bien.

Pour les journalistes, il ne s’agira pas d’attendre que les évènements se produisent. Il faut trouver des créneaux.

Les urgences, ce sont deux périodes. Il y a une période normale où on doit se préparer à l’urgence et une période où il y a l’urgence. Mais, si les gens ne savent pas qu’il y a ces deux temps-là, ils vont attendre que les choses se détruisent pour dire, on va venir vous aider. Il faut être là pour aider les gens à comprendre les phénomènes. Un pays qui a des situations sismiques, n’attendez pas que le séisme commence. Il faut préparer les gens à l’arrivée du séisme, en disant qu’il peut arriver et voilà les gestes que vous devez avoir. C’est ce que nous recherchons. Au lieu d’attendre l’urgence, préparons les gens à l’urgence.

Chaque pays a des situations d’urgences. Les Directions de la lutte contre la maladie doivent préparer les journalistes pour qu’on ne dise pas qu’au Mali ou au Benin, par exemple, la période du paludisme c’est quand il pleut. Mais, avant qu’il ne pleuve, est-ce qu’on ne peut former les populations pour qu’elles se prennent en charge ? Cela va réduire l’impact sur les hôpitaux, les centres de santé et réduira les dépenses dans les foyers. Donc, c’est un peu ça l’objectif recherché, à travers la formation sous régionale sur « la gestion d’infodémie pour la préparation aux  épidémies de grippe et autres menaces de santé en Afrique de l’Ouest et du Centre », à savoir préparer les professionnels pour réussir la période la plus difficile.

Propos recueillis par Abdrahamane Diamouténé.   

 

 

 

 

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