Impacts du Changement climatique au Nord du Mali : Le CICR déplore la multiplication des forages négatifs
Le Mali, comme d’autres pays du Sahel, est en proie à un conflit armé dont les conséquences sont aggravées par les effets du changement climatique. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) déplore une situation qui s’aggrave avec la multiplication des forages négatifs dans les régions situées au Nord du Mali.
Selon le Comité international de la Croix Rouge (CICR), les forages négatifs se multiplient au Nord du Mali à cause des effets du changement climatique, la diminution des précipitations, l’avancée du désert ou encore la perte des moyens de subsistance des populations, se font durement sentir. Dans le Nord du pays, ce sont les populations les plus vulnérables qui sont les plus impactées.
Aussi, explique le CICR, malgré tous les efforts entrepris, les premières tentatives de forage se soldent de plus en plus souvent par un échec.
« On a foré très profond, on n’a rien trouvé. On voit une population qui espère avoir de l’eau grâce au forage car leurs activités et leur survie en dépendent. Mais au bout du compte, le sous-sol est trop sec pour donner quoi que ce soit de significatif. C’est très frustrant et inquiétant », se désole Papa Amadou Gueye, de l’équipe du CICR à propos d’un forage dans le village de Tin Tanzan au Nord du Mali, qui compte 300 habitants.
Pour Papa Amadou Gueye, la rareté des pluies, depuis des années, fait que le rechargement de la nappe phréatique devient problématique, d’autant plus que, soutient-il, cette dernière est surexploitée dans certaines zones.
« La qualité de l’eau en souffre aussi. On constate souvent une forte concentration de nitrate de sodium dans le sol. Des précipitations habituelles réguleraient directement cette concentration. Mais, comme elles sont faibles, l’eau devient impropre à la consommation. Chaque jour au Mali, des milliers de femmes et d’enfants marchent des kilomètres pour ramener de l’eau. Le parcours est périlleux, il expose à des risques d’agression, d’explosion d’engins improvisés ou encore de braquage», s’inquiète-t-il.
Par ailleurs, le CICR souligne que l’avancée du désert est une autre conséquence de la raréfaction de l’eau.
« Une sous-alimentation de la nappe et une importante évaporation des eaux de surface favorisent l’assèchement du sol. Les arbres meurent et les dunes remplacent la végétation.
En 2021, la sécheresse a fait chuter la production céréalière de 10,5% au Mali, mettant à mal les moyens de subsistance de plus de trois millions de personnes. De nombreuses surfaces maraîchères sont abandonnées, les pâturages se réduisent, les bâtiments et les habitations disparaissent dans les sables, les pêcheurs abandonnent des lacs asséchés. La déforestation, qui s’est aggravée ces dix dernières années, a aussi une origine humaine. Les arbres sont abattus pour être transformés en charbon. Ce dernier revendu permet de générer un revenu quand l’élevage et l’agriculture ne suffisent plus pour survivre », déplore le CICR, qui affirme que face à ces bouleversements environnementaux, il a adapté ses programmes et ses techniques afin de soutenir la population concernée et renforcer sa résilience.
Cette adaptation, précise le CICR, passe par la mise à disposition des communautés de points d’eau supplémentaires, comme des puits à grand diamètre, mais aussi de barrages servant à stocker les eaux de ruissellement dans les oueds.
« Quand l’équipe d’ingénieurs tombe sur des forages négatifs, elle poursuit malgré tous ses recherches jusqu’à trouver de l’eau. Heureusement pour la population du village de Tin Tanzan, le troisième essai s’est révélé fructueux : l’eau a enfin jailli à dix kilomètres du premier forage. Les installations construites au grand bonheur de tous fonctionnent à l’énergie solaire afin de limiter l’émission de gaz à effet de serre », s’est félicité le CICR.
Dans la même dynamique, le CICR, en collaboration avec les communautés, s’attelle à la fixation des dunes pour protéger les moyens d’existence, les habitations et infrastructures (école, centre de santé, zones de pâturage, terres agricoles…), mais aussi pour améliorer les revenus des familles les plus vulnérables. En effet, ce sont elles qui mènent cette activité en contrepartie d’une compensation financière. Cet argent leur sert à satisfaire des besoins essentiels, se nourrir notamment, payer les charges sociales, agropastorales, de santé, ou encore rembourser un emprunt.
« Ces nouvelles pratiques novatrices et respectueuses de l’environnement ne sont pas les seules que le CICR développe avec la Croix-Rouge du Mali et d’autres partenaires. En font aussi partie la production hydroponique de fourrage ou encore l’insémination bovine, dont l’objectif est d’améliorer la productivité. Tout cela avec l’idée de renforcer l’autonomie de la population, tout en préservant son environnement fragilisé », ajoute le CICR.
Selon le Chef de la Délégation du CICR au Mali, Antoine Grand, parmi les 25 pays les plus vulnérables au changement climatique, 14 sont aussi en proie à un conflit, plusieurs pays du Sahel, dont le Mali, figurent malheureusement sur cette triste liste.
« Il est vital que les acteurs locaux, nationaux et internationaux travaillent ensemble au renforcement de la résilience des populations. Aujourd’hui, certaines communautés ne peuvent plus compter sur leurs mécanismes d’adaptation traditionnels, mis à mal par l’action combinée du conflit et du changement climatique. Il est en ce sens impératif que les dirigeants mondiaux réunis à la COP27 prennent des mesures et des engagements concrets pour rapprocher l’action climatique au plus près des communautés les plus vulnérables, comme celles du Mali », suggère-t-il.
F D